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2000 - 2024
4e partie
Étant donné toute l’attention que recevait Doro pour sa croissance ultra-rapide dans les années 1990, les attentes au début des années 2000 étaient particulièrement élevées. Ces attentes étaient d’autant plus fortes compte tenu du grand potentiel que l’Internet et les outils de communication numérique semblaient détenir. Pourtant, en réalité, l’entreprise se dirigeait vers un effondrement, car elle allait être confrontée à un cocktail explosif de défis externes, de problèmes de qualité croissants et de marges en baisse.
La situation était-elle si grave ? Pour commencer, les pénuries mondiales de composants ont eu un impact sur la production et la hausse du cours du dollar américain n’a fait qu’empirer les choses. Les consommateurs s’étaient habitués à une baisse constante des prix des équipements électroniques domestiques, ne permettant aucune hausse des prix pour rééquilibrer la situation, si bien que les marges de tous les produits Doro diminuaient. L’entreprise a également été confrontée à un litige coûteux avec un fournisseur.
En plus de ces défis qui échappaient pour l’essentiel au contrôle de Doro, il y avait également des problèmes auto-infligés, comme des décisions qui avaient conduit à la perte quasi totale de la valeur d’une grande partie du portefeuille. Il y avait également d’énormes problèmes de qualité, certains produits ayant un taux de retour de 100 % !
Dans ce contexte mouvementé, il était également nécessaire de tenir les investisseurs informés et de rendre l’action attrayante. Finalement, en septembre 2000, après avoir émis un deuxième avertissement sur les résultats dans un court laps de temps et malgré la longue et fructueuse carrière de Claes Bühler en tant que fondateur et PDG, le conseil d’administration a pris la décision de le licencier.
« De nombreuses personnes étaient attristées par le renvoi brutal de Claes », se souvient Anders Turesson, qui avait rejoint Doro l’année précédente. « C’était le premier changement de PDG de notre histoire – un événement majeur donc. »
Du point de vue du marché, Doro n’avait pas la côte. Les actions ont chuté de 75 % cette année-là. Peter Cullin, à l’époque actionnaire minoritaire, ne comprend toujours pas comment l’entreprise a échappé à la faillite. Le conseil d’administration a finalement embauché un nouveau PDG, Gunnar Åkerblom, pour redresser la barre, ce qui allait s’avérer difficile. M. Åkerblom a fait ce qu’il fallait pour sauver l’entreprise – licencier du personnel et fermer le service, l’entrepôt, certaines lignes de produits, etc. – tous les moyens nécessaires pour stopper l’hémorragie et empêcher Doro de s’effondrer.
« Notre portefeuille de produits a été réduit à 30 % de ce qu’il était auparavant », se remémore Calle Krokstäde, qui travaille chez Doro depuis près de trente ans. « La tâche était difficile, mais elle a aussi marqué le lancement de notre démarche active visant à améliorer la qualité et à former nos fournisseurs en Chine, des enjeux qui sont devenus très importants pour nous. »
Gunnar Åkerblom a empêché le pire de se produire, mais comme la plupart des produits n’étaient toujours pas rentables, il fallait définir un nouveau cap pour l’avenir.
Dans un élan soudain qui a surpris tout le monde, le conseil d’administration a licencié Gunnar Åkerblom en 2003 et l’a remplacé le même jour par Rune Torbjörnsen. Rune Torbjörnsen avait pour mission d’augmenter les ventes et de remettre Doro sur de bons rails. Il a fait appel à un développeur de concept avec lequel il avait travaillé auparavant, Fredrik Forsell. Ensemble, ils ont mis en œuvre une stratégie pour étudier quatre pistes possibles, ou domaines d’activité potentiels, pour le développement futur. Ceux-ci étaient nommés « Care », « Home », « Luba » et « Business ».
Le nom « Luba » était une adaptation ludique du mot « ljubóv », qui signifie « amour » en russe. L’approche consistait à créer des équipements électroniques à la fois cool, innovants et durables pour les activités en plein air. L’équipe « Luba » a brillamment développé divers produits tels qu’un lecteur MP3 étanche pour les nageurs, un module GPS extérieur avec des cartes topographiques, des caméras embarquées pour casque et des gants de ski Hestra avec montre de sport intégrée. Deux produits, les talkies-walkies de sport appelés FreeBird et AirLuba, ont fait leur entrée sur le marché avant que les investissements ne soient coupés. Ils ont été rejoints par un troisième produit Luba appelé Throatmic, un casque innovant pour les environnements venteux tels que les pistes de ski. Il y avait même une montre talkie-walkie appelée BlackBird.
L’équipe « Home » s’est occupée du portefeuille de téléphones restant et l’équipe « Business » s’est concentrée sur une gamme définie d’articles, y compris les casques Doro ProSound de haute qualité intégrant la technologie Sennheiser pour tous les types d’applications professionnelles telles que les centres d’appels, les opérateurs de hotline et les télémarketeurs. L’équipe « Care », dirigée par Peter Cullin, était chargée d’imaginer des téléphones qui pourraient offrir de nombreux avantages aux seniors.
« Nous avions déjà quelques modèles qui se vendaient bien », explique Peter, « et nous avons créé quatre produits plus ou moins destinés aux personnes handicapées ». Alors qu’elle travaillait sur une interface utilisateur conçue pour répondre aux besoins des seniors, l’équipe s’est adressée à la professeure Maria Benktzon d’Ergonomidesign à Stockholm, pionnière dans le domaine du design inclusif. « Cette collaboration a mené à la création du HearPlus 318, dont je suis très fier », explique Peter.
Au final, le domaine Care s’est avéré la stratégie gagnante. Par la suite, tous les efforts et toutes les ressources ont été concentrés sur ce domaine, ce qui a conduit à la création d’une nouvelle division appelée « Care Electronics ». La collaboration avec Ergonomidesign s’est développée et a donné lieu à plusieurs produits conçus pour répondre aux besoins spécifiques des seniors, dont certains ont remporté des prix de design internationaux prestigieux. Elle a également ouvert la voie à la prochaine idée révolutionnaire qui allait aider Doro à se réinventer : les téléphones mobiles pour seniors.
En 2007, à la suite de changements au sein du conseil d’administration, Jérôme Arnaud, directeur de la filiale de Doro en France, a été promu nouveau PDG de l’ensemble de Doro. La même année, l’entreprise a lancé ses premiers téléphones mobiles, le Doro HandlePlus 324gsm et le Doro HandleEasy 326.
À cette époque, les principaux fabricants de téléphones mobiles essayaient de se surpasser en ajoutant toujours plus de fonctionnalités à des téléphones de plus en plus petits. Certaines marques étaient très populaires chez les utilisateurs professionnels, d’autres chez les plus jeunes et les plus « branchés ». Pendant ce temps, les seniors étaient ignorés. Doro y a vu une occasion de s’engager sur une voie qui ne semblait intéresser aucune marque grand public et s’est lancée.
Il s’agissait d’un choix audacieux, d’autant plus qu’aucun client n’était convaincu par l’idée et que certaines personnes au sein même de Doro s’y étaient montrées réticentes. Mais d’une certaine manière, l’idée de téléphones mobiles partageant le même ADN que les téléphones ergonomiques sans fil et filaires et avec de grandes touches de Doro, était logique. Alors que les principaux opérateurs téléphoniques adoptaient peu à peu le concept de « téléphones mobiles pour seniors », qui représentaient un nouveau segment de clientèle, il était devenu évident que Doro avait bel et bien créé une toute nouvelle niche.
C’était une niche à énorme potentiel qui, selon plusieurs études, ne ferait que se développer à mesure que le nombre de seniors continuerait de croître. Cette avancée a permis à l’entreprise de rebondir après les années 2000 difficiles et de poser les jalons d’une croissance, d’une innovation et d’une expansion redynamisées pour les quinze années suivantes, garantissant que Doro serait toujours là pour célébrer son 50e anniversaire en 2024.
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